lundi 10 avril 2017

Bonne copine…

© Kot
J’te l’avais dit qu’il y arriverait pas ! C’mec là, c’est une vraie planche pourrie, pas une que t’achètes chez Casto, non non hein ! Une que tu te récoltes sans le faire exprès, une qui t’explose dans les mains tellement elle est bouffée de l’intérieur.
Tu l’regardes là avec tes yeux de biche enamourée, t’en as tellement plein les mirettes qu’tu peux même plus les refermer !
Mais j’te l’dis moi, laisse tomber, lâche l’affaire, vas voir plus loin si j’y suis, tire-toi ailleurs !
C’type là, c’est embrouille assurée, les emmerdes plus plus plus.
Il peut rien foutre correctement, ça s’voit.
Il finit jamais rien j’suis sûre, c’est toujours comme ça avec ce genre de type.
Pis il doit même pas être capable de dire que c’est d’sa faute, c’est l’gars qu’a toujours le beau rôle, c’est jamais lui, c’est les autres.
Qu’est-ce qu’il t’a donné comme excuse, cette fois ? 
C’est un pote à lui ? C’est son chien ? non, attends, me dis pas. J’suis sûre que j’peux trouver.
Les types comme ça, j’les r’nifle à 100 mètres, j’les repère au fond des bois.
Faut pas compter sur eux, c’est la loose assurée.
T’aurais pas dû lui refiler, mais bon, en même temps, comme ça, c’est plié !
T’es sûre que la prochaine fois, faut trouver une autre poire.
Celle-là est blette, basta, dégueu, on oublie !

Enfin bon, en même temps, moi j’dis ça mais au fond, j’sais bien qu’t’en a rien à cirer d’mon avis.
J’vois bien qu’t’es accrochée et qu’y a plus rien à faire.
Tu résistes, tu t’débats mais c’est foutu, tu l’as dans la peau.
J’vois pas c’que tu lui trouves quand même.
Il est même pas beau. T’as vu son pif, là, et pis ses ch’veux, non mais sérieux, et comment y peut s’attifer pareil, ça d’vrait pas être permis.
M’enfin c’est comme ça, l’amour est aveugle comme dirait l’autre.
Tu pourras pas dire que j’t’avais pas prévenu, ça tu pourras pas.
Tu pourras quand même v’nir pleurer hein, si ça tourne mal, j’suis pas sans cœur non plus.
J’te garantis pas que j’pourrai fermer ma trop grande bouche, mais j’serai là.
Pis tu sais où m’trouver, j’bouge pas moi.
Y a bien trop longtemps que j’bouge plus… qu’on m’entend plus d’ailleurs non plus.
Troisième allée, emplacement 27. Un immeuble à l’horizontal. T’aurais pu m’mettre ailleurs, avec une jolie vue sur la mer ou un truc comme ça.
Mais j’te verrai moins souvent sinon. Et pis j’aime bien t’voir quand même, même si tu m’entends pas.
Ça t’fait des vacances d’pas m’entendre, remarque.

J’dis toujours autant de conneries, mais maintenant j’les garde pour moi.



La photo ne m'inspirait pas, et puis je suis en train d'écrire un truc pour le boulot et ce n'est pas passionnant (enfin j'espère qu'au moment où se publie ce billet, j'ai finis depuis trois jours...). 

Le besoin de compenser (ou de procrastiner) à été le plus fort et voilà.  

Bon lundi, 
et vous trouverez d'autres textes chez Leiloona.







jeudi 6 avril 2017

2e lecture de Petit Pays de Gaël Faye [Prix audiolib 🎧📚]

Pour la première fois depuis que je participe au prix Audiolib, la sélection comporte un roman que j’ai déjà lu en version papier.
Vous trouverez donc mon billet sur Petit Pays par ici, un billet très enthousiaste pour un premier roman vraiment réussi, même si, pour moi, il manquait un petit quelque chose pour en faire un roman parfait (mais c’est bien, cela permet de lire encore mieux quand il publiera le suivant).

Je relis peu les romans déjà lus, mis à part quelques classiques dont je ne me souviens plus.
Pour le reste, il y a tant à lire que l’attrait de la nouveauté surpasse tout (et surtout la taille de ma PAL m’appelle vers d’autres horizons).
Mais cela m’intéressait de voir comment Gaël Faye lisait son propre texte.
J’ai l’impression que ce n’est pas si facile de mettre son texte en voix, même si c’est son propre texte et qu’on l’entend dans sa tête.
C’est un métier de lire et de faire entendre et c’est très bien comme ça.
Il me semble toutefois que le cas de Gaël Faye est un peu différent car il est chanteur et est donc censé se débrouiller bien mieux que d’autres auteurs qui m’avaient laissé de marbre.
Et pourtant, je suis un peu restée en retrait, je l’avoue.
Mais je ne suis pas sûre que cela soit entièrement dû à la lecture de l’auteur.

Le texte reste le texte et si vous ne l’avez pas lu, vous serez sans doute bien plus réceptif que moi qui me suis concentrée davantage sur la voix de l’auteur.
Et cette concentration a fait que j’ai eu l’impression qu’il mettait du temps à entrer dans sa lecture.
Il est très en retrait au début du roman, très neutre, et puis le ton se pose au fur et à mesure et c’est plus agréable ensuite.
J’ai aussi regretté l’absence de distinction entre les pages en italique et les pages du récit qui sont au début du texte.
Dans le roman « papier », on voit bien la séparation et certaines de ces pages en italique qui parlent d’exil, de déracinement, de banlieue et d’intégration impossible m’avaient parues très belles.
Dans la version audio, elles passent un peu inaperçues et le ton monocorde de l’auteur qui lit n'a pas vraiment accroché mon oreille.
C’est dommage.

A l’inverse, j’ai été beaucoup plus réceptive aux scènes où la violence est sous-jacente.
Il y a dans ce roman un racisme latent entre blancs et noirs et entre noirs qui irrigue le roman dans toutes ses pages.
La fin est inéluctable, même si on voudrait y voir un petit havre de paix où peuvent vivre les blancs en bonne harmonie avec les noirs.
Il n’y a pas d’harmonie.
Les communautés s’entrechoquent en permanence dans un mélange qui ne veut pas se faire.
Cette deuxième lecture dont je connais l'issue a exacerbée cet aspect. 

En bref, je crois que mon ressenti tient beaucoup au fait que je l’ai déjà lu.
Du coup, il n’y a plus le charme de la nouveauté.
Pour le reste, c’est toujours un très beau roman, touchant et tragique, avec des images très fortes qui ne peuvent que rester en mémoire.
Gaël Faye se met doucement dans la peau de ce petit garçon, et c’est sans doute ce que ferait un narrateur qui se souvient de son passé.
Ne manquez pas également l’entretien à la fin de l’enregistrement.
C’est toujours très instructif. 

Et si vous voulez lire des avis plus enthousiastes sur cette version audio, n'hésitez pas à aller voir du côté de mes collègues du prix. 



http://www.audiolib.fr/prix-audiolib






mardi 4 avril 2017

Voici venir les rêveurs de Imbolo Mbue [Prix audiolib 🎧📚]

Voilà une petite gourmandise littéraire dont on n’a pas assez entendu parler à sa sortie !
J’avoue l’avoir vu passer sur quelques blogs en n’y jetant qu’un œil distrait, ce qui était une grossière erreur.
La littérature africaine est pour moi un vaste territoire inconnue, je l’avoue, et à part quelques auteurs qui écrivent en français, je n’y connais pas grand-chose.
Je crois avoir aussi des représentations un peu négatives, alors qu’à chaque fois que je m’y aventure, je tombe sur une pépite qui me plait beaucoup.

Grâce à son cousin Winston, Djendé a obtenu une place de chauffeur pour un grand patron de la banque Lehman Brothers.
Il conduit Mr Clark, sa femme et ses fils partout où ils le demandent et à toute heure pour un bon salaire qui va même leur permettre d’économiser un peu.
Il peut envisage sereinement l’avenir, même s’il faut rester prudent.
Depuis qu’il a fait venir sa femme et son fils, la vie est plus facile.
Nenni suit des cours à l’université pour devenir pharmacienne, le petit Liomi va à l’école et même si le mal du pays se fait parfois sentir, Djendé et Nenni ont des grands projets pour leur famille…

Mais il y a un « mais », vous vous en doutez.
Le début du roman a lieu quelques semaines avant la grande faillite de Lehman Brothers.
On s’attend donc à voir cet évènement changer les choses et faire basculer ce récit.
Et pourtant non !
L’auteure est bien plus subtile que ça.
Comme on s’en doute, le patron de Djendé passe entre les gouttes (ce sont toujours les petits qui trinquent) et ce n’est pas la crise qui va faire bouger la situation mais d’autres évènements,  comme un décalage inattendu alors qu’on croyait la tempête passée.
Du coup, la faillite et la crise passent à l’arrière plan et ne sont qu’à peine évoqués dans cette histoire, ce qui me convenait tout à fait.
La mention de Lehman Brothers et de la crise m’avait clairement fait fuir à la lecture des différents billets sur ce roman.
Je pensais lire un roman triste, un peu plombant sur la chute d’une famille riche et de son employé qui se retrouvent tous à la rue.

Or ce roman n’est rien de tout cela.
C’est un livre plein d’optimisme, de soleil, de petits bonheurs au début qui évolue vers un texte beaucoup moins léger sur la vraie vie et ce qu’elle nous réserve.
C’est un livre qui parle de nostalgie du pays, d’immigration, du poids du souvenir, de la culpabilité, de ce que l’on s’autorise à faire ou non dans sa vie, des relations humaines entre un patron et ses employés, entre deux conjoints, de l’image de soi, de ce qu’on dit à ses amis et de ce que l’on pense vraiment.
C’est aussi un livre qui invite à penser que tout ce qui nous arrive peut être transformé à condition de ne pas subir une situation.

La version audio sert parfaitement le propos.
Le lecteur YYY transmet toute la sonorité de l’écriture, les incises en pidgin, les voix des personnages et leurs sentiments.
On a l’impression d’être avec eux, de les entendre et de les voir vivre.
C’est un vrai beau moment qu’on passe en écoutant ce livre !

Si vous avez envie d’une belle lecture qui donne la pêche (enfin, un peu moins dans la deuxième moitié mais c’est beau quand même), d’un texte qui vous conduise doucement vers des sujets faussement légers, d’une lecture qui vous fasse réfléchir sur ce que devient notre société (et en ce moment, c’est vraiment d’actualité) et d’une autre vision de l’immigration, ce livre pourrait bien vous plaire.




http://www.audiolib.fr/prix-audiolib


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